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Palais de justice

Le palais de justice, ancien couvent des visitandines

L’installation des visitandines

En 1634, une assemblée de notables montbrisonnais fit appel aux visitandines de Saint-Etienne pour installer à Montbrison un établissement destiné à répondre aux besoins d’enseignement auxquels les ursulines, installées à Montbrison, ne pouvaient complètement répondre. En février 1642, six visitandines, venues de Saint-Etienne, s’installèrent à Montbrison, d’abord dans une maison qui se trouvait à l’emplacement occupé par le perron de l’actuel palais de justice. A partir de 1670, les religieuses firent commencer la construction de leur couvent et obtinrent du fermier du domaine du roi l’autorisation d’utiliser les pierres de l’ancien château comtal de Montbrison démantelé en 1596. Le premier corps de bâtiment, œuvre de l’architecte montbrisonnais Durand Aubert, fut construit le long de la rue du Palais-de-Justice. Quant au cloître intérieur (1685), aujourd’hui disparu, – il était à l’Ouest de ce bâtiment – son maitre d’œuvre fut Jean Charbonnet, architecte à Monistrol. On construisit ensuite les bâtiments conventuels qui bordent l’actuelle rue des visitandines et qui, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, furent occupés par la gendarmerie et par les prisons : un immense ensemble remarquable par son ampleur architecturale, sa sobriété et une toiture en carène de navire renversée. Les visitandines occupèrent le bâtiment jusqu’à la Révolution : religieuses cloitrées, elles accueillaient des pensionnaires qui recevaient instruction et éducation – et devenaient parfois des novices.

 

L’église Sainte-Marie     

En 1701, à l’initiative de la Mère Marie-Elizabeth de Ponchon, fut construite l’église Sainte-Marie, chapelle du couvent. Elle fut l’œuvre de l’architecte dijonnais Martin de Noinville, ancien élève de Mansart, qui, pour la façade, s’inspira de l’église Notre-Dame des Anges (1632) qui était la chapelle du couvent de la Visitation de la rue Saint-Antoine à Paris (actuel temple protestant du Marais). L’église Sainte-Marie fut surmontée d’un dôme magnifique qui, aujourd’hui, donne de l’allure au paysage urbain de Montbrison, en résonance avec le dôme de la chapelle de la Madeleine.

On accédait à la porte principale par un large escalier droit de vingt-cinq marches coupé de paliers ; il fut détruit au début du XXe siècle pour faire place à l’escalier à double rampe qui existe aujourd’hui. La porte principale, de style grec, est flanquée de deux colonnes à cha¬piteaux corinthiens supportant une frise, surmontée d’un fronton triangulaire. La grande porte en bois est d’origine et était ornée de sculptures.

La façade est surmontée d’un grand arc à la Palladio (du nom d’un architecte italien du XVIe siècle), avec panneaux plats de chaque côté et, au-dessus, des pots à feu. Au-dessus de la porte, on remarque un groupe sculpté d’angelots.

L’église Sainte-Marie est couronnée d’un dôme : il fut transformé en 1870, mais une restauration faite dans les années 1970 l’a restitué dans son état primitif, orné d’un élégant lanternon. A l’intérieur, l’église Sainte-Marie était composée d’une seule nef ornée de pilastres de style grec prolongée par la coupole qui est sous le dôme. Un grand autel surmonté de colonnes et d’un retable, occupait le chœur.

 

La salle de la cour d’Assises

En 1790, l’église devint la salle du tribunal criminel puis de la cour d’assises. Un plafond, établi pour des raisons d’acoustique, cache la coupole telle qu’elle était autrefois, décorée de médaillons Louis XV. Les murs sont divisés en panneaux décorés de peintures en trompe-l’œil (1840), œuvres du peintre Giovanni Zacchéo. D’origine piémontaise, celui-ci avait émigré en France et s’était installé à Roanne comme peintre en décors. Il décora plusieurs églises autour de Roanne et la chapelle du collège de cette ville et, à Montbrison, fut l’auteur des peintures du hall d’entrée et de la montée d’escaliers de l’actuelle sous-préfecture. Les motifs des panneaux sont adaptés à la nouvelle destination de la salle : glaives, balances, faisceaux de licteurs et autres symboles judiciaires. On doit aussi à Zacchéo les médaillons représentant deux des gloires de la magistrature forézienne sous l’ancien régime : Jean Papon (1500-1590), Grand Juge de Forez et lieutenant général de la province, portant toque et fraise de la Renaissance, et Claude Henrys (+ 1662), juge au présidial et célèbre jurisconsulte, couvert de la perruque qui était en honneur au Grand Siècle. Des sentences latines sont peintes sur les murs de l’ancienne nef ainsi que les blasons des trois villes les plus importantes du département. La salle fut le siège de la Cour d’Assises de la Loire jusqu’en 1968.

La salle a gardé son caractère ancien et le mobilier de l’époque où elle était la salle de la cour d’assises. Au fond, siégeaient le président et ses assesseurs, à gauche l’avocat général et les avocats de la Défense ; derrière eux l’accusé entrait par une porte latérale. A gauche les bancs du jury et de la presse. Ici se sont joués des drames humains poignants et parfois la peine de mort était prononcée ; ici ont résonné des grandes voix d’avocats comme Me Floriot ou Me de Moro-Giafferi. De grands procès ont eu lieu : celui des compagnons de la duchesse de Berry en 1834, celui, très médiatique, de Ravachol en 1892. Le décor un peu désuet qui n’a pas bougé depuis 1840, explique le choix de Stellio Lorenzi d’y tourner en 1967 les scènes de Cour d’assises de la célèbre série télévisée Jacquou le croquant qui eut un succès extraordinaire.

A l’intérieur, la salle du chapitre – où se réunissaient les religieuses pour discuter des affaires de leur monastère – est aujourd’hui siège du tribunal d’instance. Il faut y admirer les stucs et les ors de sa décoration de style Louis XV.

Les maximes peintes du couvent de la Visitation

Dans certains ordres religieux, dont celui de la Visitation, la règle proposait que des sentences, maximes ou citations fussent peintes sur les murs intérieurs du couvent pour inviter les moines ou les religieuses à la réflexion. Mais on a conservé peu de ces sentences, ce qui donne évidemment du prix à celles qui subsistent dans l’ancien couvent de la Visitation de Montbrison. Datées du XVIIe siècle, elles sont conservées totalement ou partiellement au nombre de dix – dont huit in situ. Leur texte est issu d’un Coûtumier qui reprenait de courts textes extraits de l’Ancien et du Nouveau Testament ou des maximes de François de Sales. Elles ont été heureusement restaurées lorsque le bâtiment a été réhabilité dans son ensemble dans les années 1970-1980 et sont un extraordinaire témoignage du décor intérieur du couvent et de de la spiritualité des visitandines au XVIIe siècle. Deux d’entre elles, complètes, déposées puis rétablies sur un nouveau support, sont visibles du public dans le hall du 1er étage du palais de Justice. Elles sont peintes en grisaille, encadrées de motifs ornementaux, décors floraux ou symboles religieux. L’une d’elles fait l’éloge de l’humilité et de la vocation monastique, l’autre demande aux religieuses d’éviter la médisance et le bavardage.

Rue des Visitandines, près de l’ancienne porte d’entrée des prisons, on a un ancien puits (XVIe s.) à colonnettes d’angle. La cloche de l’ancien couvent a été placée elle aussi dans le hall du 1er étage.

A l’arrière du bâtiment, l’ancienne cour des prisons a été aménagée en terrasse, avec une belle vue sur le quartier de la Madeleine et, au-delà, sur la plaine du Forez. Au centre de cette terrasse, se trouvait un ancien bâtiment qui passait pour être une ancienne chapelle. Lorsque les prisons étaient installées dans l’ancien couvent des Visitandines (XIXe siècle -1ère moitié du XXe siècle), ce bâtiment abritait le quartier des condamnés à mort. Les deux dernières exécutions ont eu lieu dans la cour en 1948.

 

De la Visitation au palais de justice et au Centre musical

Les visitandines ont occupé les bâtiments pendant presque deux siècles ; 199 religieuses, au total, y ont prononcé leurs vœux entre 1642 et 1790. A la Révolution, le palais de Justice s’y installe : palais de Justice (avec la cour d’Assises), gendarmerie et prisons. Montbrison a toujours été une capitale judiciaire : l’auditoire de justice des comtes de Forez était sur la butte qui domine la ville (au-dessus de la rue des visitandines). La ville était le siège d’un bailliage et même au XVIIe siècle d’un présidial (sorte de Cour d’appel), les magistrats formaient l’élite sociale de la ville. Au XIXe siècle ce rôle perdura, même lorsque la préfecture fut transférée à Saint-Etienne puisque la Cour d’assisses resta à Montbrison.

Au XXe siècle, Montbrison a perdu en partie sa fonction judiciaire. La gendarmerie s’est installée dans l’ancienne caserne de Vaux, les prisons ont été désaffectées en 1957 et leur bâtiment abandonné pendant vingt ans. La Cour d’Assises s’est installée à Saint-Etienne en 1968 ; le tribunal de Grande Instance, pourtant installé dans des locaux rénovés, a été supprimé en 2011. Episodes mal vécus par les Montbrisonnais, attachés à ce rôle judiciaire inscrit dans l’histoire de la ville.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Les bâtiments de l’ancien couvent de la Visitation ont été restaurés en deux étapes (1981-1982 et 1992-1993). Les bâtiments de la rue du Palais de justice et une partie de ceux de la rue des visitandines restent affectés à la Justice : tribunal d’instance et tribunal des prud’hommes ainsi que les services judicaires afférents. L’immense bâtiment de la rue des visitandines est occupé en grande partie par le Centre musical Pierre-Boulez où ont lieu les cours de l’école de musique et de la Maîtrise de la Loire, et les réunions et les répétitions des nombreuses sociétés musicales. Une grande salle voûtée (salle Pierre-Boulez) sert de salle de réunions. Une tour de verre et de béton a été dressée dans la cour intérieure, qui était celle de la prison, devant le bâtiment, et abrite les ascenseurs.

Crédits et remerciements

Ce parcours du patrimoine de la ville de Montbrison est le fruit d’une collaboration entre les services de la ville, les associations patrimoniales : Amis des Thermes, de Sainte Eugénie, Amis de la colline du calvaire, Pays d’Art et d’Histoire, des passionnés d’histoire de Village en Forez, sous la coordination de Jeanine Paloulian adjointe au patrimoine. Remerciements particuliers à l’office du tourisme Loire Forez, Pierre Drevet, Michèle Bouteille, Mme Brunet qui ont contribué à l’écriture.

Photos : Ville de Montbrison, Dronereporter42, Archipat, Archives municipales (fonds Fayard) Loire Forez agglomération, Aquarelle Jean-Claude Golvin.